Ananda Devi sur Les hommes qui me parlent (Gallimard, 2011)
Ananda Devi, celle qui écrit, revient sur ceux qui lui ont parlé, hommes, femmes, écrivains, mais surtout elle-même.
Entretien réalisé par Annie Heminway
Photo: H. Anenden
Les événements sportifs sont souvent comparés à des romans ou à des films. Ils dévoilent, en effet, des intrigues qui incluent des hauts et des bas dans lesquels des personnages – parfois attachants et admirables, mais complètement détestables dans d’autres cas (tout dépendamment de notre allégeance partisane) – font face à des défis et révèlent leurs émotions, leurs forces, leurs faiblesses, leurs valeurs et leur fibre morale.
J’ai souvent fait la promotion de cette approche envers les événements sportifs en affirmant que le sport c’est le drame qui s’écrit en temps réel. J’ai apprécié les virages dramatiques surtout dans le cadre de mon intérêt pour le baseball et le hockey. Le sport représente une forme particulière du récit. Ce n’est pas tout à fait de la fiction, mais ce n’est pas non plus un événement aussi réel et marquant que des élections ou des crises économiques. Le sport comme industrie de masse offre au public un spectacle qui peut faire rêver. Les équipes et les athlètes peuvent inspirer les jeunes de notre monde et encourager des changements sociaux et politiques.
Dans d’autres cas, on peut soulever les côtés les plus sombres de cet univers, et ils sont nombreux. On peut penser à un capitalisme sauvage et indécent, à la corruption, aux exclusions de nombreuses minorités et, surtout, à l’exclusion des femmes; alors qu’essentiellement toutes les grandes ligues sportives du monde sont dominées par des hommes qui reçoivent la grande part de la compensation financière et exercent l’influence qui vient avec la popularité de leur industrie.
Les manquements éthiques de l’industrie sportive ont été soulevés lors de la Coupe du monde de la FIFA qui s’est déroulé au Qatar du 20 novembre au 18 décembre 2022. On a soulevé la possibilité que ce pays ait offert des pots-de-vin pour obtenir le titre de pays hôte. Plusieurs ont soulevé les terribles conditions de travail des ouvriers étrangers qui ont construit les stades. Le bilan de décès s’élèverait à au moins 6500 selon The Guardian. On peut aussi penser au piètre traitement de la communauté LGBTQ au Qatar et à l’impact environnemental du tournoi, alors que les matchs ont été disputés, en plein désert, dans des stades climatisés et sur des terrains gazonnés qui survivent grâce à de l’eau désalinisée.
D’un autre côté, je dois tenter de célébrer le fait que la Coupe du monde a été disputée, pour la première fois de l’histoire, dans un pays arabe et musulman. Sans égard pour le régime politique, cela a permis une certaine fierté chez des centaines de millions de partisans de soccer.
Cette fierté a eu la chance de se manifester dès les premiers jours du tournoi lorsque l’Arabie saoudite a réussi à battre l’Argentine par une marque de 2-1. Les célébrations se sont étendues à tous les pays de langue arabe, même à ceux qui n’ont pas toujours eu des relations cordiales avec les Saoudiens.
L’Argentine, un club dominant et favorisé, s’est retrouvé le dos au mur. Mais, elle a réussi à remporter ses deux prochains matchs contre le Mexique et la Pologne afin d’éviter une élimination hâtive. Un peu plus tard dans le tournoi, l’annonceur britannique, Peter Drury, caractérisera avec justesse la perspective du souvenir que les Argentins gardent de cette rencontre : « un match extraordinaire contre l'Arabie saoudite qui est maintenant relégué dans la fente la plus sombre de leurs archives souterraines, pour ne plus jamais être visité. » (traduction libre)
En ronde éliminatoire, l’Argentine a réussi à défaire l’Australie, les Pays-Bas et la Croatie afin de se qualifier pour la finale contre la France. Le match ultime a inclus de nombreux revirements. Alors que l’Argentine a dominé 80 des 90 premières minutes, ils menaient encore 2-0. Mais les Français n’avaient pas dit leur dernier mot. Grâce au jeune joueur étoile, Kylian Mbappé, la France a pu renverser la vapeur. La star de 23 ans a compté deux buts en moins de deux minutes. Il a créé l’égalité et a forcé la tenue de 30 minutes de temps supplémentaire.
À la 108e minute de cette frénésie sportive, Lionel Messi (qui réclame souvent le titre de meilleur joueur au monde) marque pour la deuxième fois de la partie et donne les devants à l’Argentine. À l’âge de 35 ans, Messi a fait ses preuves dans de nombreuses compétitions professionnelles et internationales, mais il désire remporter le prix ultime qui lui manque : une Coupe du monde pour son pays dont le dernier titre remonte à 1986. Cependant, un dernier rebondissement nous attend : Kylian Mbappé va de nouveau créer l’égalité sur un tir de penalty et forcer la tenue de tirs au but pour déclarer un vainqueur. Le meilleur de cinq sera remporté par les Argentins qui peuvent enfin pousser un soupir de soulagement. La célébration éclatera aux quatre coins du monde, à Doha, à Buenos Aires, à Montréal et ailleurs. Les Français pourront au moins se consoler d’avoir été les vainqueurs, la dernière fois, en 2018. Certains analystes iront jusqu’à déclarer que ce fut le meilleur match de soccer de tous les temps.
Il est on ne peut plus ironique que le champion du tournoi ait perdu sa première dispute contre l’Arabie Saoudite. Ces derniers peuvent se féliciter de former la seule équipe qui a pu battre l’Argentine dans le cadre de ce tournoi. En quelque sorte, c’est un non-sens, dans la mesure que l’Argentine a battu les plus grands clubs du monde comme la France, la Croatie et les Pays-Bas. Cela rappelle les trames narratives surprenantes qui motivent l’intérêt sportif d’un grand nombre de partisans.
Mais à terme, si on décide de comparer les événements sportifs à des formes littéraires, ils s’apparenteraient peut-être plus à l’essai qu’au roman. Je rappelle les paroles de l’essayiste et du professeur, Gerald Early : « Un essai n'a rien d'autre que sa simple insistance sur le fait que l'écrivain sait assez bien écrire pour vous faire lire quelque chose qui pourrait tenter d'être n'importe quoi et menace à tout moment de n'être rien du tout. » (traduction libre) Les tournures sportives ne sont pas aussi logiques et cohérentes qu’on le penserait, elles sont souvent imprévisibles et dénuées de sens. Elles ne font pas vraiment partie d’un récit. Elles représentent des moments dans le temps dont il est difficile de dégager un sens véritable.
Dans ses ouvrages Tuxedo Junction: Essays on American Culture (1989) et The Culture of Bruising: Essays on Prizefighting, Literature, and Modern American Culture (1994), Early se questionne sur son intérêt pour la boxe, ce sport aussi violent que spectaculaire qui a souvent engendré des graves maux chez les jeunes Noirs américains. La lutte personnelle chez Early est des plus palpables alors qu’il constate les dommages d’un sport qu’il continue à adorer.
La Coupe du monde 2022 représente un moment similaire, une remise en question, ou du moins une prise de conscience. Le sport peut être aussi vertueux que tragique. Si Qatar 2022 peut contribuer à une prise de conscience, cela représentera un gain en ce qui concerne la réflexion collective. Permettre à la Chine ou à la Russie d’organiser des Jeux olympiques et une Coupe du monde au courant des 15 dernières années n’a pas du tout contribué à la démocratisation de ces pays. En revanche, le boycott de ces événements ne représente pas une solution viable alors que le sport inspire et fait rêver des milliards d’êtres humains. La remise en question après le Qatar devra donc être longue et dure, très longue et très dure.
[image: Augustin Fernandez/Unsplash]
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Le premier essai d’Eric Deguire, Communication et violence : Des récits personnels à l’hégémonie américaine, a été publié chez LLÉ en 2020. [Photo: Joel Lemay] |
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