Troisième lettre d’Israël : Interview avec Arnon Goldfinger, 2e partie
« La mémoire dans le placard »
Deuxième partie de l’interview de Chantal Ringuet avec Arnon Goldfinger, réalisateur du film Hadira (The Flat ), 2011.
Photo: Ruth Diskin Films
C’est un bien triste décor qu’une maison sans livres. La présence physique de livres choisis élève autour de soi une muraille d’affects, d’intelligence et d’imagination qui, avec l’amour et l’amitié, est le plus sûr rempart contre la bêtise ou ce qui apparaît parfois comme la morne succession des jours. Mais il y a livres et livres. Ceux qu’on est en train de lire et qui attendent sur la table de chevet qu’on renoue avec eux, une fois accomplies les tâches quotidiennes. Ceux qu’on laisse traîner à dessein dans l’attente du moment favorable pour les ouvrir. Ceux qu’on a lus et rangés, et dont la présence irradie sur les rayons. Ceux qu’on consulte comme on le ferait d’un ami. Ceux qui aident à écrire moins idiot. Ces multiples manières de vivre avec les livres ne changent pas chez les grands lecteurs, en dépit des bouleversements technologiques et sociaux qui surviennent autour.
Ce sont les autres, les lecteurs occasionnels, ceux qui ne lisent pas du tout, ou qui croient ne pas avoir le temps de lire, ce sont ceux-là qui voient changer leurs rapports avec les livres. Du beau livre qu’hier encore on laissait traîner pour la galerie, sur la table basse du salon, et qu’on feuilletait tout de même à l’occasion, on est passé au livre-accessoire purement décoratif des magazines chics sur papier glacé, au livre-objet qu’on n’ouvrira pas, dont on a oublié jusqu’au sujet qu’il traite, mais dont la présence, solitaire ou en piles droites et sages, soigneusement calibrées, dans des couleurs et des volumes étudiés, confère à la pièce un raffinement discret.
Réduits au rang d’accessoires de décor, les livres se réifient, tandis que, sur le versant technologique, le livre se dématérialise. À mesure que le livre numérique gagne du terrain, le livre imprimé s’entoure ainsi d’une aura d’élégance et d’intelligence, qui est sans doute le lointain rappel de ses liens avec le savoir, mais pas uniquement. La lecture, la fréquentation des livres, qui exige temps, lenteur et solitude semble être plus que jamais maintenant le lot des oisifs, des aristocrates de l’esprit (fortunés ou non), des heureux praticiens de l’otium antique, dont un Cicéron, à juste titre, a vanté les bienfaits pour la vie de l’esprit. Ce loisir studieux, où l’imagination se déploie à son rythme, se nourrit d’intuitions et s’enrichit de découvertes, est le lieu même de la littérature, qui n’est pas repos, comme on l’aura compris.
En exhibant ces luxueux livings artistiquement parsemés de livres-choses, dont le statut se situe à mi-chemin entre la plante verte et le masque africain, les pubs qui vantent les mérites des appartements de standing, dans le New York Times magazine ou ailleurs, ne sauraient mieux dire.
© Marie-Andrée Lamontagne 2012
Marie-Andrée Lamontagne est écrivain, éditrice, journaliste et traductrice. Chez Leméac Éditeur, notamment, elle a publié un roman (Vert), un recueil de nouvelles (Entre-monde) et un récit (La méridienne). De 1998 à 2003, elle a dirigé les pages culturelles du quotidien québécois Le Devoir, où elle collabore encore à l’occasion. Elle prépare actuellement une biographie de la romancière et poète Anne Hébert (à paraître aux éditions du Boréal).
[Photo: Martine Doyon]
« La mémoire dans le placard »
Deuxième partie de l’interview de Chantal Ringuet avec Arnon Goldfinger, réalisateur du film Hadira (The Flat ), 2011.
Photo: Ruth Diskin Films
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