Quand l’idiome vient d’ailleurs, par Ellen Sowchek
La vraie patrie d'un écrivain, c'est sa langue. -- Thomas Mann
Quand un écrivain écrit dans une langue qui n'est pas la sienne: trahison, imposture, renaissance ou simple exercice du style?
Au coin des miennes se posent ses lèvres
Au creux des robes ses doigts me cherchent
Et nous tombons
Moi en biche
Lui en chasseur enlacé et à genoux
Et des femmes nous entourent
Musiciennes
Flûtes et mandolines à la main
Qui ne jouent aucune musique
Et donnent l’impression qu’elles pourraient en jouer
Nous sommes à genoux et enlacés
Et des lapins blancs courent sur le gazon
Et parmi les draps de notre pique-nique
Petites bêtes nerveuses qui nous envahissent
Et se poursuivent sur nos tapis d’herbes
Nous avons faim
Nous sommes nous
Et l’amoureuse dicte les lois
Avec ses cheveux qui se détachent
Et nous flottons avec les oiseaux qui tournent dans ses cheveux
Nous
Nous sommes à genoux sur un podium tiré par des cygnes
Nous sommes à regarder au loin les beautés
Qui dansent nues
Pommes vertes dans leurs mains
Au loin et sans musique
Mais j’oubliais de dire
Que tout commence par une fête
Les cygnes blancs et le ciel de mars
Les rochers taillés comme des architectures
Comme des portes et des fenêtres dans la pierre
C’est l’émeraude
Et les créatures se frôlent
Oui, j’oubliais de dire
Que la scène est un jardin de fleurs
Jeunes hommes
Jeunes femmes
D’accointance avec un amour
Conversent
Chantent
Ils
C’est nous
Nous conversons
Nous chantons
Nous dessinons les uns près des autres
Lapins blancs à nos pieds
Et enfin, un baiser
Lapin blanc
Lapins blancs
De tous les côtés fertiles
J’oubliais de dire
Un jeune homme timide se tient seul
Contemple ceux qui s’embrassent
J’oubliais de dire que l’amour triomphe seul dans son coin
Silencieux comme ces instruments à la main des femmes
J’oubliais sa main sur mon épaule
J’oubliais que nous regardions l’architecture des rochers
Nous sommes les cygnes blancs
Nous sommes le piédestal
Nous avons une abondance de lapins blancs entre les jambes
Et aussi à nos pieds
Nous sommes à genoux sur le radeau
Les eaux déferlent
Nous craignons la chute
Nous sommes immobiles
Nous restons
Plein du désir de musique
Qu’aucune femme ne souffle ou ne gratte aux cordes des instruments
Et la mélodie n’existe qu’au coin des lèvres
Et au silence de celle qui aime
© Marie-Josée Charest
Marie-Josée Charest est une poète québécoise née en 1982. Elle a publié deux recueils de poésie aux Éditions les Herbes rouges : Rien que la guerre, c'est tout (finaliste aux Prix du Gouverneur général 2010) et Le Reste du monde (2011).
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Peter Bogdanovich – Travailler la nostalgie : Panorama d'un cinéaste moins connu du Nouvel Hollywood, et sa vision du passé.
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Ou chronique de l’ignorance
Une chronique qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, toutes nées de l’étonnement devant les ressources de la langue.
III. Par profits et pertes
Pour traduire La Philistine de Leila Marshy, Sophie Voillot n'a pas hésité à recourir à l'adaptation... mais seulement après avoir reçu le feu vert de l'autrice. Voici un entretien entre elles deux à ce sujet.