Le génie de la langue I: Sur une terrasse près de chez vous, par Marie-Andrée Lamontagne
Une chronique qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, toutes nées de l’étonnement devant les ressources de la langue.
Le contexte mondial de crise sanitaire a mené à l’annulation d’essentiellement tous les événements sportifs majeurs prévus dans les prochains mois. Alors que plusieurs personnes trouvent refuge dans le cinéma, la musique, les téléséries ou les romans en cette période de confinement, assurément les amateurs de théâtre ou des musées doivent être assez déçus. Mais qu’en est-il du sport professionnel?
Certes, ces événements se déroulent toujours devant des foules dans de grands amphithéâtres ou bien à l’extérieur. La tenue d’événements de ce genre sera assurément sur pause pendant quelques temps. Il reste qu’une grande part des partisans sportifs assistent aux matchs et aux compétitions par le biais de la télévision et maintenant, de plus en plus, alimentent leur intérêt via de nombreuses plateforme en ligne. Malgré le report ou l’annulation de grands rendez-vous comme le Tournoi des Maîtres au golf, le March madness du basketball universitaire ou bien les Jeux olympiques de Tokyo, d’autres continuent à espérer un retour plus tôt que tard des saisons de hockey, de baseball et de basketball.
Le sport comme de nombreuses autres formes de divertissement peut servir à souder des peuples en temps de crises et les politiciens ont souvent mené la cause. C’est particulièrement le cas du baseball et du football alors que les États-Unis traversaient certains des grands défis de leur histoire. Il est même assez clair que des formes rudimentaires du baseball furent jouées par des soldats participant à la Guerre civile américaine de 1861 à 1865. Cette échappatoire sportive était assez annonciatrice de l’avenir.
Lors des moments les plus difficiles de la crise économique des années 1930, le président américain Franklin Delano Roosevelt s’est souvent rendu dans des matchs du baseball majeur afin de participer au lancer protocolaire simplement pour motiver le peuple en ces temps difficiles. Bien avant sa carrière politique et même avant sa carrière hollywoodienne, le futur président, Ronald Reagan, occupait un emploi comme animateur de radio en Iowa. C’était en fait son premier emploi après ses études universitaires. Le fait que le jeune Reagan ait obtenu ce poste en pleine crise économique des années 1930 en dit long – je pense – sur son charisme, sur sa détermination et peut-être sur sa bonne fortune.
Sur les ondes de WHO (ne voyez aucun lien avec l’acronyme anglais de l’Organisation mondiale de la santé), il annonçait des matchs de baseball avec verve. Le correspondant du magazine TIME, Hugh Sidey, dira des prestations radiophoniques de Reagan : « [Il] réussissait à nous transmettre un sentiment que les circonstances n’allaient pas toujours être aussi difficiles, que le tout s’améliorerait ».
Le baseball – passetemps national des Américains – contribuera à remonter le moral de plusieurs pendant la crise économique. En 1939, alors que la crise se fait toujours sentir, on inaugure le Temple de la renommée du baseball à Cooperstown dans l’État de New York, grandement pour permettre de relancer l’économie locale. Toutefois, les États-Unis se préparent à un nouveau défi de taille.
La Deuxième Guerre mondiale rappellera l’importance du sport. Plusieurs joueurs notables du baseball majeur tels que Ted Williams et Joe DiMaggio participeront à l’effort de guerre mettant leur carrière sur pause pendant trois ans – un sacrifice que plusieurs athlètes professionnels actuels auraient de la misère à accepter, j’en suis certain.
Le baseball poursuivra ses activités en temps de guerre, mais tous savent que les priorités nationales sont ailleurs et que la qualité du jeu est amoindrie. Plusieurs qualifieront de hasard la victoire des Browns de Saint-Louis au championnat de la Ligue américaine en 1944, étant donné l’absence de certains grands talents. Et pourtant, les partisans avaient besoin de cette échappatoire sportive plus que jamais auparavant.
Plus récemment, les deux présidents Bush utiliseront des moments sportifs pour mieux gérer des crises majeures. En 1991, plusieurs remettaient en question l’idée d’aller de l’avant avec le Super Bowl seulement quelques jours après le début de la guerre du Golfe, mais le président George H. W. Bush a affirmé que la vie se poursuivait quand même.
En octobre 2001, ce sera au tour de George W. Bush de se rendre au Yankee Stadium à New York pour effectuer le lancer protocolaire du troisième match de la Série mondiale seulement quelques semaines après les attentats du 11 septembre. Portant un gilet pare-balles, Bush fils réussit un lancer parfait devant plus de 50 000 partisans enthousiasmés.
C’est d’ailleurs à ces deux moments de leurs présidences respectives que Bush père et Bush fils connaîtront des taux d’approbation historiques avoisinant les 90%.
Dans le cadre de la crise actuelle, les consignes de distanciation sociale font que le public ne peut pas s’évader dans la partisannerie sportive. Pour le moment, le sport professionnel tel que nous l’avons toujours connu est sur pause. Mais existe-t-il des solutions mitoyennes? Dans un récent article, The Economist est allé jusqu’à proposer la tenue de matchs hors-concours ou de matchs des étoiles comprenant des joueurs qui seraient d’abord testés pour le coronavirus et ensuite mis en quarantaine pour assurer la sécurité de tous. Ces matchs qui seraient disputés sans spectateurs pourraient tout de même être diffusés à la télévision et sur Internet au grand plaisir de tous.
Cette solution est probablement aussi malhabile qu’elle est audacieuse, mais le simple fait de la proposer en dit long sur l’importance du sport en temps de crise. D’ici là, j’irai regarder un des vieux matchs des Expos présentement en rediffusion à TVA Sports.
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Le premier essai d’Eric Deguire, Communication et violence : Des récits personnels à l’hégémonie américaine, vient tout juste d’être publié chez LLÉ. |
Une chronique qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, toutes nées de l’étonnement devant les ressources de la langue.
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