Biden et le Far West du cyberspace
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Un joggeur, héron filiforme, aérien, s’engouffre dans une ruelle ce matin, en ville. Le panneau indicateur de la ruelle attire mon regard. Il précise : Terrasse Laurier. D’où vient qu’une ruelle porte le nom de terrasse? C’est qu’il ne s’agit pas d’une ruelle, mais d’une rue-trottoir. Celle-ci apparaît comme déposée devant une suite de maisons mitoyennes. Elle est rectiligne, mais je connais, dans une ville de banlieue, une certaine Terrasse Paquin qui se déploie en demi-cercle et qu’habite un poète. Les terrasses ne sont pas toujours droites. A vrai dire, les terrasses ne sont pas des trottoirs mais les maisons mêmes qui les bordent. Cette forme d’architecture urbaine, apparue en en Grande-Bretagne au XVIIe siècle, porte le nom de terrace (ou terraced) house, et ce n’est là que le troisième ou quatrième sens donné au mot, selon les dictionnaires. Bien sûr, le mot terrace est emprunté au français terrasse, qui l’a fait dériver du mot terre, lui-même formé à partir du latin classique terra. Ces rubans de maisons mitoyennes, ces «terrasses», sont présentes dans bon nombre de villes ayant subi l’influence anglaise au cours de leur histoire, et la toponymie s’en fait le reflet. Or il se trouve que le français n’a pas voulu récupérer le mot terrasse en ce sens. On dira «maisons mitoyennes» ou «rangée de maisons attenantes». (On résistera à «maison en rangée», qui serait un calque de row house, autre nom donné à terrace house.) Ce qui n’empêche pas l’usage du mot Terrasse pour désigner l’ensemble de ces habitations, y compris dans une ville française comme Montréal. La preuve : mon joggeur de ce matin. Du coup, quelle préposition utiliser en français? Si, en anglais, je peux habiter, disons, in Windsor Terrace (New York), comment ferai-je en français? Mon joggeur habite-t-il dans la Terrasse Laurier? Ou sur ladite Terrasse? Ou, sans préposition, Terrasse Laurier? Les maisons, en tout cas, sont coquettes. Un peu plus bas dans la rue, un café, pourvu d’une terrasse tout ce qu’il y a de plus familier, me fait signe. C’est là que, attablée à la terrasse, je guette le printemps.
© Marie-Andrée Lamontagne 2012
Photo: Martine Doyon
Marie-Andrée Lamontagne est écrivain, éditrice, journaliste et traductrice. Chez Leméac Éditeur, notamment, elle a publié un roman (Vert), un recueil de nouvelles (Entre-monde) et un récit (La méridienne). De 1998 à 2003, elle a dirigé les pages culturelles du quotidien québécois Le Devoir, où elle collabore encore à l’occasion. Elle prépare actuellement une biographie de la romancière et poète Anne Hébert (à paraître aux éditions du Boréal).
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Marie-Andrée Lamontagne reçoit au micro Nathalie Watteyne, professeur à l’Université de Sherbrooke et maître d’œuvre des Œuvres complètes d’Anne Hébert.
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